L'affaire Zola

Émile Zola est un écrivain à succès quand éclate l'affaire Dreyfus. L'écrivain , qui ne s'est jamais engagé politiquement, va pourtant prendre position et défendre le Capitaine injustement condamné. Cette affaire , qui manifeste l'antisémitisme qui caractérise une partie de la classe politique et journalistique, déchire la République.  Avec sa lettre ouverte "J'accuse" , véritable réquisitoire contre les accusateurs de Dreyfus, Émile Zola met sa notoriété au service de la justice. L'affaire Dreyfus devient alors l'affaire Zola.

 
 

De l'affaire Dreyfus à l'affaire Zola : le rôle de la presse d'opinion

"J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier1 diabolique de l'erreur judiciaire2. J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit3, d'une des plus grandes iniquités4 du siècle. J'accuse... »

Émile Zola écrit cette lettre ouverte5 au président de la République Félix Faure pour raconter tout ce qu'il sait de l' affaire Dreyfus et dénoncer les coupables qui ont envoyé un innocent en prison.

Comment en est-il arrivé là ? En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, accusé d'espionnage au profit de l'Allemagne, est jugé à huis-clos6, condamné à la dégradation7 et à la relégation8 au bagne9 de Cayenne, bien qu'il hurle10 son innocence.

Deux ans plus tard, le véritable coupable est démasqué : c'est un autre officier, le commandant Esterhazy. Mais la haine antisémite de l'état-major et la solidarité de la caste11 militaire couvre12 Esterhazy. Zola ne le supporte pas.

13 janvier 1998 : publication de "J'accuse"

Témoin : «  Il écrit « J'accuse » parce qu'il croit qu'il faut qu'un acte supplémentaire soit réalisé, qu'une étape soit franchie et qu'il a le droit, lui, de le faire, au nom de sa conscience littéraire, au nom de la conscience qu'il a d'être, à cette époque, le plus grand écrivain de la littérature française ».

Autre témoin : « Qu'est ce que cherche Zola ? Il veut être jugé, être jugé pour diffamation13, parce que comme ça, il y aura un véritable procès. Puisque le procès de Dreyfus a été un procès occulté14, puisque le procès d'Esterhazy a été un procès occulté, il y aura cette fois-ci un véritable procès où l'on pourra citer15 tous les témoins et faire la preuve de l'innocence de Dreyfus. Seulement, c'est lui qui en supportera les conséquences ».

Le jeudi 13 janvier 1898, dans une aube16 glaciale, trois cent mille exemplaires de l'Aurore17 sont vendus à la criée18 avec ce titre qui barre les six colonnes de la une19: « J'accuse, par Émile Zola ». Un mois plus tard, comme il le désirait, Zola est jugé pour diffamation en cour d'assises20 mais deux cents témoins qui touchent de près ou de loin l'affaire Dreyfus sont entendus : la vérité est enfin en marche, bien que l'écrivain soit condamné.

La presse prend alors la place qu'elle aura au 20e siècle : elle fait l'opinion. Pour ou contre Zola, elle est libérale ou antisémite. Elle montre cette France coupée en deux21 contre laquelle Zola se bat. Mais « J'accuse » marque surtout la naissance d'une attitude nouvelle : l'engagement des intellectuels.

Témoin : « L'engagement collectif va naître du « j'accuse », l'engagement collectif qui va se perpétuer à la fin du 19e et tout au long du XXème siècle, tous les manifestes22 signés par tous les intellectuels pour servir la vérité et la justice mais ce qui est surtout remarquable : c'est que ceci est né d'un engagement solitaire l'engagement de Zola, c'est l'engagement d'un écrivain solitaire et qui écrira ensuite d'ailleurs en termes très émouvants « Maintenant que j'ai rempli ma tâche je retourne à mes livres ».

Mais il n'achèvera pas le dernier, « La vérité » : il meurt le 29 septembre 1902.


Vocabulaire:

1 L'ouvrier de l'erreur= celui qui a rendu possible l'erreur, qui l'a commise

2 L'erreur judiciaire : la condamnation à tort, injuste, d'un accusé

3 Par faiblesse d'esprit: ici, par incapacité à s'opposer

4 L'iniquité : l'injustice

5 Une lettre ouverte: une lettre publique destinée à mobiliser l'opinion.La lettre ouverte sera publiée dans le journal « l'Aurore ».

6 À huit-clos : dans une salle où le public n'est pas admis, rendant ainsi le procès secret

7 La dégradation : on retire à Dreyfus ses grades, c'est-à-dire les insignes de son rang dans l'armée.

8 La relégation:il est exclu de la société

9 Le bagne : lieu surveillé, ancêtre des prisons,où les détenus sont soumis à des travaux éprouvants.

10 Hurler:crier très fort

11 La caste: l'ensemble des militaires. Mot péjoratif qui désigne, ici, une communauté qui n'accepte pas pour elle-même les lois générales.

12 Couvrir quelqu'un : protéger quelqu'un, ici, protéger un coupable

13 Diffamation : acte, puni par la loi qui consiste, par des propos infondés, à porter atteinte à l'honneur de quelqu'un.

14 Un procès occulté: un procès caché

15 Citer un témoin:convoquer un témoin

16 L'aube : le matin, très tôt

17 L'Aurore:journal fondé par Clémenceau

18 À la criée : dans la rue, par des vendeurs qui annoncent les gros titres en criant, pour attirer les clients.

19 La une : la première page d'un journal

20 Cour d'assises: tribunal compétent pour les crimes

21 La France est coupée en deux: une partie de la France veut que Dreyfus soit reconnu innocent, une autre partie, par antisémitisme, veut qu'il reste coupable malgré les preuves.

22 Un manifeste: un texte engagé dans lequel on affirme une théorie, une vision du monde ou de la vérité.

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